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Hommages / 24.05.2021

James Harman (1946-2021)

Parmi les harmonicistes dits “West Coast”, une appellation qu’il contestait, James Harman occupait une place à part. Plus terrien et moins jump que ses homologues, il était avant tout un excellent chanteur avec une gouaille et un placement en lien direct avec ses origines sudistes. Chanteur donc, harmoniciste, mais aussi guitariste et pianiste, meneur d’hommes, producteur, et surtout créateur avec des convictions. Sa disparition à 74 ans va laisser un grand vide.

James naît à Anniston dans l’Alabama le 8 juin 1946. Son père est capitaine de police et joue de l’harmonica à ses heures perdues. Sa mère joue de l’orgue et du piano. James se met d’abord au piano mais essaie aussi les harmonicas qui sont posés dessus. Il chante à l’église locale et pratique aussi l’orgue, la guitare et la batterie. Il se destine à la peinture mais, s’apercevant qu’il gagne plus d’argent à jouer de la musique qu’à peindre, il devient musicien professionnel à 16 ans.

Il déménage en Floride où il joue avec plusieurs groupes dont le Icehouse Blues Band. Il est vite repéré et il commence à enregistrer en 1964 des singles pour de petits labels régionaux, Felton, summers, Regal, Action, Baytone, Sonic, Addco, sous des noms aussi divers que Soul Senders, Snakedoctor, Voo Doo Daddy, The Decisiples, Decisiples Of The Blues, King James & Royals, Kingsnakes et bien sûr The Icehouse Blues Band. 

Il tente de nouveaux départs à Chicago, New York, La Nouvelle-Orléans, et de nouveau en Floride à Miami, mais est à chaque fois repoussé par la concurrence musicale, le froid ou la violence. C’est cependant à Miami que son avenir va grandement se décider. Il y rencontre Henry Vestine et Bob Hite lors de concerts de Canned Heat, qui le convainquent de venir s’installer en Californie, lui promettant du travail et des concerts. C’est ce qui se passe à partir de 1970 et James joue en première partie de Canned Heat, avec le Icehouse Blues Band et aussi Albert Collins que Vestine et Hite ont convaincu de la même façon. 

En 1978, il décide de se produire sous son propre nom et c’est la naissance du James Harman Blues Band qui sera un véritable réservoir incubateur des musiciens basés sur la Côte Ouest : Phil Alvin, Bill Bateman, Gene Taylor, David “Kid” Ramos, Michael “Hollywood Fats” Mann, Stephen Taylor Hodges, Jeff “Big Dad” Turmes, entre autres, garniront les rangs du groupe qui publie un premier EP “This Band Won’t Just Behave” en 1981.

En 1985 paraît le LP “Strictly Live”, véritable bombe du blues, avec Hollywood Fats et Kid Ramos aux guitares, qui sera réédité plus tard en CD sous le nom “Strictly Live In ’85… Plus!” avec des bonus. James, qui n’aime pas les disques live, négocie en échange un budget pour réaliser ses propres projets qui donneront le disque “Extra Napkins… Strictly The Blues” en 1988 et “Mo’ Na’kins, Please!” en 1999. Entretemps, il publie plusieurs disques sur le label Black Top, tous excellents, desquels on peut retenir “Do Not Disturb” en 1991 et “Black & White” en 1995. 

Doheny, Californie, 18 mai 2002. © André_Hobus
Doheny, Californie, 18 mai 2002. © André_Hobus

Puis James Harman s’affranchit des contraintes de productions des labels et commence à réaliser lui-même ses enregistrements dans lesquels il puise pour mettre en forme des projets de disques qu’il soumet ensuite tels quels aux maisons de disques. Il est aidé en cela par Nathan James qu’il embauche dans son groupe en 1997 en tant que guitariste et qui joue aussi de la contrebasse et de la batterie, tout en travaillant à la production. Cela donnera d’excellents CD sur Gulf Coast/Pacific Blues, Electro-Fi, les albums “Bonetime” de 2015 et “Fineprint” de 2018 obtenant “Le Pied!” dans Soul Bag. C’est dans ce même état d’esprit que sort en 2019 ce qui sera son dernier disque, “Liquor Parking”, sur Bigtone, le label de Big Jon Atkinson.

En parallèle, Harman crée le projet Bamboo Porch Revue avec Nathan James, James Michael Tempo aux percussions, Troy Sandow à la basse et Marty Dodson à la batterie. Nominés de multiples fois aux W.C. Handy Awards, il est aussi introduit à l’Alabama Music Hall Of Fame, et est un invité de choix pour de nombreux artistes. Citons en particulier sa présence sur l’album “Mescalero” de ZZ Top en 2003 et, dans la même veine, sur celui de Billy Gibbons, “Big Bad Blues” en 2018.

Soul Bag l’a interviewé en 2018 justement, (n° 231). Au cours de l’entretien, James Harman a été très strict et précis quant à l’utilisation de l’expression “West Coast blues”. Pour lui, il n’y a pas de style West Coast blues” et encore moins d’“harmonica West Coast”. Il y a juste eu des musiciens installés sur la Côte Ouest qui partageaient la même passion pour des styles de blues, mélange de Chicago blues et Texas blues, et qui l’ont joué sur des harmonicas. À l’harmonica, lui-même n’était pas “jump” mais restait très terrien, inspiré par les deux Sonny Boy et Little Walter, bien sûr, mais aussi par Walter Horton et les plus anciens Will Shade et Noah Lewis. De plus, il se considérait d’abord comme un chanteur du Sud qui utilisait l’harmonica quand il y avait besoin : « Utilise un instrument pour jouer le blues, n’utilise pas le blues pour jouer d’un instrument. »

Texte : Christophe Mourot
Photo d’ouverture © Christian Mariette

© DR
Calais, 2014. © Christian Mariette
https://www.youtube.com/watch?v=KyBeZBopOBM
Christophe MourotJames Harman